Concours Ena 2021 : une méthodologie innovante qui fait l’unanimité

200 étudiants retenus définitivement pour entrer à l’Ecole nationale d’administration (Ena). C’est à l’issue d’un concours organisé en deux phases. Les épreuves écrites et orales se sont déroulées après la validation de plus de 7000 candidatures.

Ce jour 20 octobre 2021, dès l’annonce de la proclamation des résultats, Bitrus a fait le déplacement pour vérifier son nom. Quelques minutes se sont écoulées, il pousse un soupir. Son nom ne figure pas parmi les admis. Pourtant, il était arrivé 3ème aux résultats provisoires. Les candidats échoués après les épreuves font leur opinion. Son cousin qui l’accompagne, comme pour l’encourager, relate son histoire qui remonte en 2010. « Comme lui, j’ai composé en 2010 le concours de l’ENA et j’étais arrivé 1er à l’écrit. Arrivé à l’oral, les épreuves étaient à ma portée puisque ça se basait sur la littérature tchadienne. A deux ou trois jours des résultats définitifs,  je reçois l’appel d’un numéro inconnu. Il m’a posé la question est-ce c’est bien monsieur Blaise, j’ai répondu que c’est bien moi. Il m’a demandé est-ce que tu as composé le concours de l’Ena ? J’ai répondu oui. Il m’a dit qu’il est SG de l’Ena et que je vienne le trouver. J’ai catégoriquement refusé simplement par ce que je ne connaissais pas le système.  Deux jours après, les résultats définitifs étaient affichés et je n’avais pas mon nom ». Bitrus dit qu’il a foi en ces résultats malgré son échec. « Cette année, il y a du sérieux. Lors des épreuves orales, j’ai remarqué un grand changement dans l’approche. Donc ces résultats sont pour moi crédibles », argumente-t-il.

La corruption et le clientélisme sont les maux qui ont toujours entaché les résultats du concours de l’Ena. Ce qui a rendu sceptique un bon nombre de potentiels candidats à renoncer même avant d’aller candidater. Les résultats de l’édition 2021 ont fait une unanimité au vu des réactions tant à travers les messages diffusés dans la presse que sur les réseaux sociaux. Un exploit à mettre à l’actif de la rigueur et du respect des textes.

L’approche Travail qui a porté fruit

Mbaïramadji Koulayo Cyrille, lui, repart sourire aux lèvres. Lauréat dans la filière Contrôle de gestion, le professeur des sciences physiques au lycée met sa réussite sur le travail. « J’ai composé avec beaucoup d’ardeur et de conviction. Je suis scientifique de formation et les matières étaient à vocation littéraire. Comme les gens ont tellement mystifié ce concours, je me suis dit qu’il faut composer de manière à être parmi les admis même s’il doit y avoir le faux ». Malgré tout le mystère qui a toujours entouré le concours de l’ENA, il n’a pas été pessimiste.  « J’ai reçu des témoignages de quelques anciens qui m’ont dit qu’ils sont arrivés là-bas uniquement sur la base de leur travail. Ils m’ont donné des conseils et c’est ainsi que je me suis retrouvé avec 41 anciennes épreuves. Mais avant cela, j’ai eu plus de 10 documents sur les méthodologies. J’ai travaillé sur cela avec quelques professeurs de français et les énarques ».

Les candidats lors de la composition des épreuves/ Ph ENA

Une méthodologie convaincante

Contrairement aux éditions précédentes, le concours de l’année 2021 a démarré par l’enregistrement des besoins de l’administration. Une approche adoptée par le conseil d’administration et mise en œuvre par comité sous la supervision de la direction générale. « Avant de lancer le concours, nous nous sommes rapprochés des administrations qui sont les futures utilisateurs des produits ou lauréats de l’Ecole nationale d’administration. Surtout les principales administrations en charge des Finances, des affaires étrangères, des questions territoriales, de  l‘administration générale, de l’inspection de travail et l’administration hospitalière et sanitaire. Nous avons posé des questions pour connaitre les besoins en formation pour les satisfaire », relève Senoussi Abdoulaye, Directeur général de l’ENA. Cette démarche a permis d’affiner les besoins pour les exprimer sous forme de carrière et de profil d’entrée. C’est sur cette base que les autorités de tutelle ont donné leur accord pour l’ouverture des concours.

Le défi du jury à retenir 200 lauréats sur 7000 candidats

Sur le quota, 100 places sont affectées aux externes et les 100 autres aux internes, avec à la clé une répartition par filière. Le comité d’organisation du concours et le jury dirigé par Mme Sa-Ndoudinang Rébecca ont mis en place un règlement strict. « Les présidents des différents centres de composition étaient bien choisis. Une fois les épreuves terminées, nous avons aussitôt convoqué les correcteurs. Les copies des candidats sont anonymes. Ce caractère a été essentiel. Les correcteurs ne sont pas tous de l’Ena. Ils viennent de différents horizons » explique Senoussi Abdoulaye. Pour lui, c’est ce qui a évité l’attribution des notes complaisantes. « Les correcteurs ne pouvaient savoir à qui appartient les copies ».

Après cette phase, les membres de jury ont pris le relai pour faire un travail de vérification des notes. Ils ont renforcé les caractères sur les notes. La présidente de jury, Mme Sa-Ndoudinang Rébecca poursuit que « si vous avez 12, ils mettent (les membres du jury) dans un caractère renforcé. Ensuite y a eu la vérification des notes par rapport aux notes saisies. Toutes les copies sont passées en revue et projetées pour savoir si la note saisie est identique à la note sur la copie. Cette logique est instaurée afin d’éviter la manipulation des notes en faveur de certains candidats. Le jury a considéré que le seul critère sur lequel il était compétent est celui de l’excellence. Après avoir examiné plusieurs scénarii, il est considéré qu’il fallait prendre à partir de 12 de moyenne au niveau de l’admissibilité.  « A partir de cette moyenne, sur plus de 7000 candidats inscrits, 1200 sont retenus. Ils ont été convoqués pour les épreuves orales à l’Ena », précise la présidente de jury.

Un coefficient de 20 % aux épreuves orales

« Nous avons innové en choisissant les examinateurs en binômes. Ceux du matin étaient différents des examinateurs de l’après-midi. Et tous les jours ils changeaient  de salle. Ils ne savaient pas avec quel binôme ils allaient être et dans quelles salle », soutient le directeur général.

Au final, le jury a considéré que ces  efforts n’étaient pas encore suffisants. L’oral en effet  a un caractère subjectif. Le jury a donc affecté un coefficient de 20 % aux épreuves orales et gardé 80 % dans le calcul de la moyenne générale pour les épreuves écrites.

Malgré ces garde-fous, les vieilles habitudes ont la tête dure. « Les pressions n’ont pas manqué. Elles se sont heurtées à un mur compact entre la commission d’organisation et surtout le jury. Mais nous avons refusé de céder à quelque pression que soit », affirme Senoussi Abdoulaye.

Badoum Oumandé Henri

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