Les murs et caniveaux dans les endroits publics sont devenus pour un bon nombre de citoyens des lieux pour faire le besoin. Une habitude liée aux contraintes naturelles et à défaut des endroits appropriés c’est-à-dire des toilettes publiques. De la responsabilité des communes, les investisseurs privés s’y sont mis principalement dans les marchés. Résultats, réduction de la défécation à l’aire libre autour des marchés.
Une matinée sous un ciel nuageux, la vie reprend son cours à N’Djamena. De l’avenue Charles De Gaulle à la rue Djidengar Dono Ngardoum dans le 5ème arrondissement, rien d’inhabituel. Sur une dizaine de kilomètres un peu plus loin, nous sommes à la Place de la Nation dans le 2ème arrondissement, symbole d’un Tchad nouveau. Un espace qui accueille les jeunes par sa beauté. Cependant dans chaque angle, une autre réalité est là. Des excréments jonchent partout le sol. Une odeur insupportable se dégage. Malgré les regards, un jeune est assis dans ces déchets humains pour faire ses besoins. A l’origine, dans ce grand espace, pas de toilettes ni de WC. N’Djamena est large mais, se mettre à l’aise est un casse-tête chinois. Quand nous remontons, que de beaux bâtiments entremêlés de couloirs insalubres. A côté du géant tour qui abrite l’Office national des médias audiovisuels, l’on nous apprend qu’un individu a construit sur son terrain des toilettes publiques payantes. Une fois sur les lieux que des débris. Les toilettes sont démolies quelques jours avant notre arrivée. Pour cause, pas de rentabilité, nous renseigne un ancien usager assis devant ses marchandises.
D’un arrondissement à un autre, nous sommes non loin de l’Hôpital général de référence nationale, dans le 3ème arrondissement. La mention « il est interdit d’uriner ici » inscrite sur le mur des logements sociaux ne dissuade pas M. Allahrabeye. « Je ne peux pas retenir longtemps l’urine. Tout autour je ne vois pas où me soulager » dit-il. Heureusement pour lui, personne pour le dénoncer.
Un problème de santé publique
Selon le Programme conjoint de suivi de l’Organisation Mondiale de la Santé et du Fonds des Nations unies pour l’enfance, en 2017, la prévalence de la défécation à l’aire libre est de 67 % au plan national et 82 % en milieu rural. Près de 19 000 personnes décèdent chaque année des maladies liées au manque d’eau potable et aux mauvaises conditions d’hygiène et d’assainissement. Ce qui fait de la défécation à l’aire libre un problème de santé publique qui demande de réponses urgentes. Surtout en saison des pluies, les eaux de ruissellement drainent les matières fécales et contaminent quelque fois les eaux de consommation. L’exposition aux matières fécales est source des maladies telles que la fièvre typhoïde, le choléra, les hépatites A et E, informe Dr Bordé Emanuel, médecin généraliste à l’hôpital de l’Union.
Des réalisations inspirantes
Le marché central reste jusque-là le seul point d’achèvement pour faire ses besoins quand on fait les courses en ville. A l’entrée du côté Est, un ancien restaurant est transformé en toilettes publiques payantes. Ici, on peut déféquer, mieux se laver. Il faut pour cela débourser une somme allant de 50 à 150 FCFA. Un investissement difficile à évaluer selon le gérant rencontré sur place. « Mon grand a trouvé un compromis avec le propriétaire de la maison qui nous a laissé la location. Les recettes par jour varient entre 20 à 25 mille FCFA », raconte Brahim Seid, le gérant. Selon lui, l’idée de développer cette affaire est venue du constat selon lequel, tout autour du marché, il est difficile de faire ses besoins. Ce qui a encouragé le propriétaire à étendre l’initiative dans d’autres marchés comme ceux de Ngueli et de Dembé. Les toilettes d’une superficie d’environ 1 m² sont au nombre de 12. Derrière le ministère des Affaires étrangères, à quelques mètres de ces toilettes, sont installés des commerçants qui autre fois ne pouvaient pas s’asseoir à cet endroit. « Depuis presque deux ans, on s’est installé ici. Pourtant avant, on a occupé les chaussées. L’installation de ces toilettes a rendu l’endroit salubre. Nous voulons que ça se multiplie », confie Mahamat Abdoulaye. Aujourd’hui l’endroit est propre. Les clients eux, veulent une amélioration du service mais pensent déjà que c’un bon début. « C’est propre. Par jour, ils nettoient normalement deux à trois fois. C’est pourquoi nous préférons venir ici. Parfois même quand tu n’as rien, le gérant t’autorise à faire le besoin », poursuit-il.
L’investissement privé marche
Le directeur général du ministère de l’Aménagement du Territoire, Alaïna Yacoub, reconnait que N’Djaména n’a pas fait l’objet d’une définition de stratégie de manière formelle dans l’installation de toilettes publiques. « Dans nos villes, il n’y a pas assez d’efforts de manière très organisée. C’est une occasion d’appeler à une réflexion pour que ces questions soient sur la table. Que les autorités concernées puissent définir une politique d’assainissement en intégrant cette composante ». Cependant, se basant sur l’expérience, il soutient que l’initiative privée peut mieux réussir. « Quand c’est fait par le pouvoir public, en termes de gestion, ça pose énormément des problèmes parce que l’utilisation de ces infrastructures d’assainissement impose un certain degré de conduite. La question n’est pas seulement de construire ces infrastructures. La vraie question est leur entretien, leur maintien à l’état ». Au Ghana, plusieurs startups à l’exemple de « Washking » développent des idées au service de la société. Pour répondre à la préoccupation d’accès aux toilettes appropriées dans tous les recoins, Washking construit des installations écologiques qui coûtent 1500 cédis soit environ 150 000 FCFA. Les toilettes payantes portables sont respectueuses de la nature.
Ce reportage est réalisé dans le cadre d’une formation de 5 jours en journalisme de solutions financée par l’ambassade de France au Tchad. Un projet initié par Chad Innovation en partenariat avec StopBlabla.