Le Tchad a dévoilé en grande pompe son Plan national de développement « Tchad Connexion 2030 », promettant 30 milliards de dollars d’investissements, 268 projets, et l’émergence à l’horizon 2030. Sur le papier, tout y est : modernité, ambition, résilience, inclusion. Mais à bien y regarder, ce plan, aussi séduisant soit-il, ressemble davantage à une ode à l’espoir qu’à une stratégie véritablement enracinée dans la réalité tchadienne.
Ce PND 2030 rêve d’une croissance économique de 8 % par an, d’un accès universel à l’électricité et à l’eau potable, d’une éducation pour tous et d’une administration modernisée. Ces objectifs parlent à l’âme d’un peuple fatigué de la précarité. Mais comment croire à ces promesses quand les fondations mêmes du développement, à savoir la gouvernance, la transparence et la stabilité, restent fragiles ? Chaque plan depuis l’indépendance a trébuché sur le même obstacle : l’écart abyssal entre les discours et l’action. Les chantiers inaugurés en fanfare s’éteignent souvent dans l’oubli bureaucratique, faute de suivi, de financement réel ou de volonté politique.
Le gouvernement espère mobiliser plus de la moitié des fonds auprès du secteur privé et des bailleurs étrangers. Mais depuis quand le salut d’une nation vient-il d’ailleurs ? Cette dépendance révèle un aveu de faiblesse : le tissu économique local reste exsangue, et les entreprises tchadiennes, étouffées par la fiscalité, la corruption et le manque d’accès au crédit, sont rarement associées à la mise en œuvre des grands projets. On parle de « partenariats public-privé », mais combien de ces partenariats profiteront réellement au secteur privé national, plutôt qu’à des multinationales venues « investir » pour mieux repartir avec les profits ?
Pendant que les élites discutent à N’Djamena et hors de nos frontières, les campagnes s’enfoncent dans le silence et la poussière. Là-bas, ni routes, ni hôpitaux, ni électricité. Le PND promet d’intégrer les provinces oubliées, mais l’histoire récente enseigne qu’au Tchad, l’équité territoriale reste un slogan et non une politique. Comment parler de « connexion » quand tant de Tchadiens vivent encore sans réseau téléphonique, sans eau et sans école ?Le « Tchad Connexion 2030 » ne manque pas d’idées, mais il manque d’ancrage institutionnel. Sans réforme sérieuse de l’administration, sans lutte effective contre la corruption, sans plan clair de suivi, ce plan pourrait n’être qu’un catalogue de bonnes intentions comme tant d’autres avant lui. Le pays n’a pas besoin d’un nouveau document de plus, mais d’une volonté politique ferme, continue et mesurable.Les Tchadiens ne sont pas dupes, ils veulent des routes praticables, des écoles ouvertes, des hôpitaux équipés, de l’eau dans leurs robinets, de la lumière dans leurs maisons. Leur patience s’amenuise à chaque plan avorté, à chaque promesse reportée. Un plan de développement ne se mesure pas à ses pages, mais à ses résultats visibles. Le Tchad n’a plus le luxe de rêver ; il doit agir, prouver ses capacités et transformer. Car à trop vendre du rêve, on finit par réveiller la colère.L’avenir du Tchad ne se construira pas à coups de fichiers PowerPoint, mais à coups de courage politique.
