Crise alimentaire au Soudan : des tonnes d’aide humanitaire bloquées à la frontière

Des organisations humanitaires et des responsables onusiens indiquent que des dizaines de milliers de tonnes d’aide alimentaire et médicale restent bloquées près du poste frontalier d’Adré, entre le Tchad et le Soudan, alors que des millions de Soudanais connaissent des niveaux d’insécurité alimentaire sans précédent depuis plusieurs décennies.Selon ces sources, plus de 100 000 tonnes de fournitures appartenant aux Nations unies sont entreposées en territoire tchadien mais ne peuvent pas être acheminées vers le Soudan en raison de restrictions sécuritaires et administratives imposées par l’armée soudanaise sur les routes menant au Darfour.

Le gouvernement soudanais indique que ces mesures visent à prévenir la contrebande d’armes vers les Forces de soutien rapide, qui contrôlent la majeure partie de la région.Le Bureau de la coordination des affaires humanitaires (OCHA) précise que ces restrictions retardent l’acheminement d’environ 80 % de l’aide nécessaire. Depuis février 2024, l’armée a fermé le principal point de passage, obligeant les organisations à emprunter des itinéraires alternatifs, notamment celui de Tine, où le trafic est dense et où des frais peuvent atteindre 4 000 dollars par camion.

Le gouvernement basé à Port-Soudan a annoncé le 13 novembre la prolongation de l’ouverture du passage pour trois mois. Depuis août, 377 camions transportant 11 000 tonnes de denrées ont été acheminés, répondant aux besoins d’environ 1,4 million de personnes. Les experts soulignent cependant que ces volumes restent insuffisants, tandis qu’environ 30 000 tonnes de fournitures en route vers le Tchad continuent de rencontrer des obstacles.Le 4 novembre, les Nations unies ont déclaré que certaines zones du Darfour et du Kordofan sont entrées en phase de famine, avec près de 25 millions de Soudanais souffrant d’insécurité alimentaire aiguë, dont environ 375 000 personnes en situation « catastrophique » selon la classification IPC5.

La famine a été confirmée à El-Fasher et Kadougli, et pourrait s’étendre à d’autres zones si les corridors humanitaires sûrs ne sont pas rétablis.Des attaques contre des convois humanitaires ont été signalées, notamment une frappe aérienne le 14 novembre près du poste de Tine, qui a détruit un convoi, tué cinq travailleurs humanitaires et incendié plusieurs camions. OCHA recense plus de 80 attaques depuis avril 2023, la plupart attribuées aux forces aériennes soudanaises, qualifiant ces actions de violations du droit international humanitaire.Dans le camp de Zamzam, au sud d’El-Fasher, Médecins sans frontières rapporte des taux de malnutrition chez les enfants de moins de cinq ans compris entre 38 % et 75 %. Certaines familles sont contraintes de consommer des herbes et des feuilles pour survivre, et les programmes nutritionnels destinés à environ 2 700 enfants ont été suspendus faute de fournitures.

Le Tchad accueille plus de 800 000 réfugiés soudanais, en plus de rapatriés et de déplacés internes, ce qui exerce une pression supplémentaire sur son économie déjà fragile.Lors d’un exposé devant le Conseil de sécurité le 6 janvier, Edem Wosornu, directrice d’OCHA, a indiqué que la famine au Soudan est « entièrement causée par l’homme » et a averti que les civils risquent une « famine généralisée » si les restrictions sur les couloirs humanitaires persistent.

Elle a appelé à un financement immédiat de la réponse humanitaire pour 2025, estimé à 4,2 milliards de dollars pour le Soudan et 1,8 milliard pour soutenir les réfugiés dans les pays voisins.

Related posts

Leave a Comment