Tchad : La Police judiciaire et les Réseaux sociaux, deux obstacles à l’épanouissement de la presse


3 mai 2022 : Journée mondiale de la liberté de la presse, avec pour thème : « Le journalisme sous l’emprise du numérique ». Il est question cette année de parler de l’impact de l’ère numérique sur la liberté d’expression, la sécurité des journalistes, l’accès à l’information et la vie privée.


Nous remettons le pendule à avril 2021 pour évaluer cette période de Transition. Cette journée doit nous permettre de nous souvenir des journalistes emprisonnés, violentés, torturés, et tués sous la Transition que dirige le Conseil militaire de transition (CMT). Le pouvoir en place doit comprendre l’importance de l’indépendance du journaliste et fournir des efforts pour améliorer le climat de travail des journalistes.

En traçant ce matin le portrait de la liberté de la presse au Tchad, j’ai réalisé qu’il y a un effort en ce qui concerne le respect du travail du journaliste. Le baromètre de RFS indique que le Tchad est classé cette année au 104 rang sur 180 pays. C’est un effort par rapport à l’année 2021 (123/180). Ce qui veut dire que le CMT pense mieux faire et pourrait comprendre que la liberté d’expression est un droit fondamental. A partir de la vingtaine d’années de pratique du journalisme, nous pouvons dire aujourd’hui qu’au Tchad, le problème du journaliste, c’est la POLICE. Elle se mêle souvent au politique pour créer des entorses au système judiciaire lorsqu’elle a à faire aux journalistes. Souvent, lorsqu’on confie un dossier de Journaliste à la Police judiciaire pour enquête, les agents de cette structure ne respectent pas la Présomption d’innocence du journaliste. Ils nous traitent comme des criminels et condamnent le journaliste avant que le dossier ne parvienne au Procureur et/ou Juge. Ce qui ne relève pas de leur compétence ! Nous avons été plusieurs fois victimes. Le dernier cas, c’est lors de l’affaire qui nous opposait à Daoussa Déby.

La Police judiciaire a intérêt à se rééduquer pour comprendre et respecter le journaliste dans son travail. Que nos policiers comprennent qu’une « presse libre et indépendante devient un outil incomparable pour garantir la justice et pour protéger les droits de la personne » (Unesco.org). Aussi, disait ce matin, Mme Audrey Azoulay, la Directrice générale de l’UNESCO, dans sa déclaration : « Les journalistes jouent un rôle fondamental en nous fournissant les informations. Ils les analysent, les vérifient et les diffusent, permettant ainsi aux individus de prendre des décisions éclairées. Le journalisme constitue donc un bien commun que nous devons défendre et soutenir en tant que tel ». En effet, l’expérience montre que pendant la covid-19, les guerres et conflits, les journalistes sont toujours au-devant de l’actualité. Grâce à eux, on peut écrire l’histoire d’un pays, sans se tromper.
Pour le 3 mai 2022, il s’agit agi de la situation de la presse avec le numérique. Au Tchad, nous sommes confrontés à une situation singulière. Nos lecteurs ont vidé les kiosques au profit des réseaux sociaux. Le défi pour nous, consiste à saisir les possibilités qu’offre l’ère numérique pour résister mais, cela n’est pas facile. Il va donc dans l’intérêt du pouvoir central d’aider la presse à relever ce défi ; si non, les réseaux sociaux, à cause de leur liberté de ton, vont contribuer à la formation d’une nouvelle conscience dominée par les discours de haine et la désinformation.
Si nous voulons faire du Tchad, un Etat de droit, la HAMA et le pouvoir central doivent faire des médias leurs collaborateurs pour l’instauration d’une presse plurielle, libre et vraiment indépendante. Cela est possible. A la seule condition de ne pas regarder l’homme, le journaliste qui travaille (discrimination, haine, mépris, népotisme), MAIS, il faut se pencher sur le travail qui se fait : quel média écrit ou dit quoi pour l’intérêt commun ?


Il faut savoir saisir l’ère du numérique pour encourager chacun à faire et à bien faire son travail. Et ne pas oublier que « l’émergence des plates-formes en ligne soulève la question de la viabilité économique des médias indépendants et pluralistes, et bouscule les chaînes de valeur et les modèles économiques existants ».


Cette journée est une occasion pour féliciter et encourager les promoteurs des médias privés qui s’efforcent encore à être présent dans les kiosques malgré cet environnement de précarité et les obstacles liés à la diffusion des informations.
Bonne fête à tous.


Déli Sainzoumi Nestor, promoteur et Directeur des éditions du journal Eclairages.

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