Au Tchad, le baccalauréat du second degré, sessions d’août et septembre 2021 ont vu la participation des prisonniers des maisons d’arrêt de N’Djamena, Moundou et Sarh. 60 candidats au baccalauréat 2021 ont composé pour la première fois dans leurs lieux de détentions.
C’est d’une rencontre au hasard à Moundou, ville dans le sud du Tchad entre le directeur des examens et concours du supérieur et une autorité pénitentiaire que l’idée est née
« J’ai rencontré un ami qui travaille à la maison d’arrêt de Moundou qui m’a expliqué qu’il a des jeunes élèves en détention. J’ai décidé de les enrôler pour leur délivrer la carte biométrique afin de leur permettre de composer le baccalauréat » nous explique Abakar Khassaballah, directeur des examens et concours du supérieur.
L’Office national des examens et concours du supérieur (ONECS) n’a jamais expérimenté le cas des détenus qui composent le baccalauréat, soutient-il. Ils sont la plupart des élèves condamnés à des délits mineurs. A N’Djamena, ils sont 47 candidats à se présenter. 2 sont déclarés admis d’office et 8 autres après la deuxième série des épreuves écrites. A Moundou, 8 candidats sur 12 toutes séries confondues sont admis au BAC. A Sarh, les 4 candidats de la maison d’arrêt ont tous échoué. Ces candidats au baccalauréat issus des maisons d’arrêt n’ont pas eu de professeurs pour se préparer.
Les candidats au baccalauréat de la maison d’arrêt ont composé sans bénéficier d’un cours adéquat. Ils se sont préparés grâce aux fiches dédiées aux candidats au baccalauréat. Parmi les détenus admis au baccalauréat 2021, l’un est de la série scientifique. » J’ai composé en série D et j’ai obtenu mon baccalauréat depuis la maison d’arrêt, je suis très content. La préparation n’a pas été facile, je n’ai pas dormi durant une vingtaine de jours. Je faisais des exercices en mathématiques et je les envoyais à un professeur en ville via téléphone pour avoir la correction ainsi de suite » nous témoigne Carlos Djimadoumgué. Ce lauréat âgé de 22 ans aspire à devenir médecin.
Ali Abba Malloum, un autre détenu de la maison d’arrêt de Klessoum, lauréat du baccalauréat 2021 souhaite étudier les relations internationales. Un autre se voit grand homme politique, il veut étudier les sciences politiques.
Sur les 7 lauréats du baccalauréat de la maison d’arrêt de N’Djamena, 3 ont purgé 95 % de leurs peines, informe la direction de la réinsertion pénitentiaire au ministère de la justice. » Nous sommes en train de voir avec les partenaires pour octroyer des bourses pour ces détenus afin de permettre leur admission dans les universités. Déjà, ceux qui sont entrain de finir leurs peines, un partenaire a manifesté son intérêt de les inscrire à l’université. Les autres aussi des solutions leurs seront trouvées« .
À Moundou c’est un résultat très remarquable, s’est réjouit le Procureur de la République, Brahim ALI Kolla dans une interview exclusive à Sud Echos à son cabinet. Pour lui, cette première expérience est un succès. Soucieux de la réinsertion des prisonniers, le Procureur souligne qu’il est en discussion avec l’administration pénitentiaire pour donner une seconde chance à ces heureux lauréats. Par ailleurs, Brahim Kolla demande à la délégation de l’éducation nationale de mettre à sa disposition des enseignants qualifiés et de la documentation pour la prochaine rentrée scolaire. Car selon lui, cette expérience très remarquable a été rendue possible grâce à l’appui des pénitenciers et certains détenus.
Ces lieux de détention ne disposent d’aucun cadre pour les études, ni table banc, pas de tableau ni salle de classe, aucun enseignant affecté, C’est une grande limite pour les élèves qui se retrouvent en conflit avec la loi.
Avec cette expérience, les yeux des autorités judiciaires et éducation sont tournés vers une solution d’envoyer des enseignants dans les centres de détention.