Troisième journée internationale de sensibilisation à l’albinisme des Nations Unies. Troisième journée internationale de sensibilisation à l’albinisme des Nations Unies.Il ne fait pas bon être né albinos sur le territoire africain. S’ajoutant aux souffrances et aux handicaps liés à la maladie génitale qui les touchent, ils sont mis au ban voire persécutés en raison de croyances liées à la sorcellerie. Depuis 2015, la Journée internationale de sensibilisation à l’albinisme, le 13 juin, cherche à mettre fin à ces pratiques.Quels droits pour les albinos ? Pris pour cible depuis toujours en terre africaine, parce que noir à peau blanche, les albinos ont gagné un premier droit, en tout cas une première existence à l’échelle internationale, celui d’avoir une journée internationale qui leur est dédiée, le 13 juin, créée en 2015 par les Nations Unies.
A cette journée s’ajoute cette année, la création d’un poste tout spécialement consacré à la cause albinos, au sein du Haut commissariat aux droits de l’Homme des Nations unies (HCDH), celui d’expert indépendant sur l’albinisme.Ikponwosa Ero, nigériane, nommée experte indépendante du HCDH (Haut commissariat aux droits .Ikponwosa Ero, nigériane, nommée experte indépendante sur l’albinisme du HCDH (Haut commissariat aux droits de l’Homme des Nations unies).
« A travers le monde, les albinos subissent des discriminations qui limitent leur participation à la société », assure à l’AFP Ikponwosa Ero, la Nigériane qui occupe cette fonction, elle-même atteinte de cette maladie génétique caractérisée par une absence de pigments dans la peau, les cheveux et les yeux.Les meurtres, exhumations illégales et agressions d’albinos en Afrique sub-saharienne sont un problème grave, dont les experts peinent à discerner l’ampleur. »Le grand nombre d’attaques qui nous sont rapportées par la société civile ne représentent sans nul doute qu’une fraction d’entre elles, en raison du secret qui entoure ces attaques rituelles, de la complicité de proches dans certains cas et de la difficulté d’accès aux informations vu que la plupart de ces attaques ont lieu dans des zones rurales », énumère Mme Ero.457 attaques, dont 178 meurtres, commis ces dernières années contre des albinos dans 26 pays d’Afrique.
Dans un rapport publié le 2 juin, l’ONG canadienne Under The Same Sun (UTSS, Sous le même soleil) répertorie 457 attaques, dont 178 meurtres, commis ces dernières années contre des albinos dans 26 pays d’Afrique.Les pays les plus souvent cités sont la Tanzanie, avec 161 attaques, la République démocratique du Congo (61), le Burundi (38) le Malawi (28) et la Côte d’Ivoire (26). »Ce n’est que la partie visible de l’iceberg », soutient Vicky Ntetema, directrice de la branche tanzanienne de UTSS. Ces crimes sont liés aux croyances selon lesquelles des potions préparées avec des parties de corps d’albinos apporteront chance, richesse ou succès politique. Dans un rapport publié mardi 7 juin, Amnesty International constate une forte augmentation du nombre d’homicides de personnes atteintes d’albinisme, dont des parties du corps sont utilisées dans le cadre de pratiques rituelles, au Malawi.Ce rapport, intitulé “We are not animals to be hunted or sold” : Violence and discrimination against people with albinism in Malawi, révèle que le nombre des attaques violentes visant des personnes albinos a fortement augmenté ces deux dernières années. Quatre personnes, dont un bébé, ont été tuées au seul mois d’avril 2016.« Cette vague sans précédent d’attaques contre des personnes atteintes d’albinisme a créé un climat de terreur parmi les membres de ce groupe vulnérable et leurs proches, qui craignent constamment pour leur vie », a déclaré Deprose Muchena, directeur du bureau régional d’Amnesty International pour l’Afrique australe.
Vague d’attaques « sans précédent »Paradoxalement, alors que la communauté internationale s’organise pour combattre le problème, avec notamment un Forum sur l’albinisme organisé du 17 au 20 juin en Tanzanie, les agressions recensées augmentent et concernent des régions épargnées jusque-là. »Ce genre d’attaques nous ont été rapportées dernièrement dans des régions où nous pensions précédemment que ce n’était pas un problème », explique Mme Ero, citant le Malawi, où Amnesty International a récemment dénoncé une « vague sans précédent » d’attaques contre les albinos, y compris de très jeunes enfants.Selon l’ONG, au moins 18 albinos ont été tués et 5 kidnappés au Malawi depuis novembre 2014, avec notamment quatre assassinats sur le seul mois d’avril 2016.De l’aveu même des spécialistes, les causes de ces chiffres en hausse sont peu claires et les hypothèses multiples.Mme Ero évoque ainsi l’appât du gain nourri par la misère de certaines populations et les activités de « gangs criminels ». Un corps « complet » d’albinos peut rapporter jusqu’à 75.000 dollars, rappelle-t-elle, citant un rapport de la Fédération internationale de la Croix-Rouge datant de 2009.D’autres évoquent la fuite des trafiquants de pays dans lesquels les meurtres rituels d’albinos ont été condamnés publiquement vers d’autres pays plus laxistes.
Le nombre de meurtres a ainsi augmenté en RDC car des gens habitués à ces pratiques « ont dû fuir la Tanzanie ou le Burundi par exemple, où des mesures ont été prises », assure une source humanitaire souhaitant conserver l’anonymat. »On n’en parlait pas »D’autres enfin estiment que ce phénomène séculaire est tout simplement vu sous un nouveau jour, notamment grâce à l’attention dont il bénéficie au niveau international. « Je pense que le problème existait bel et bien, mais que dans certains pays, on n’en parlait tout simplement pas », assure Vicky Ntetema. »Maintenant que l’ONU est passée à l’action, les gens commencent à se rendre compte qu’ils doivent en parler », poursuit-elle. « Nous voyons aussi que des organisations demandent un changement, que les médias en parlent, que les gens n’ont plus peur d’en parler. »Lundi, à Dar es Salaam, le président tanzanien John Magufuli en personne devait célébrer la journée internationale de l’albinisme, illustration selon certains que plusieurs pays d’Afrique prennent le problème à bras-le-corps. »La volonté politique est là, mais le plus grand problème, ce sont les ressources », regrette toutefois Mme Ero. « Les pays n’ont par exemple pas les moyens de mener des enquêtes médico-légales et de collecter des informations ».Mobilisation des albinosDans un article du journal La Croix, le réalisateur de clips, originaire du Congo-Kinshasa, Yan Mambo, surnommé « L’Ours blanc », explique qu’il aimerait ne plus jamais entendre un Congolais dire qu’il serait prêt à « jeter » son enfant s’il était albinos. « Je veux promouvoir l’excellence de l’albinos ! », plaide celui qui, fin août, a lancé le festival « Fièrement Ndundu », immortalisé par des selfies où des Congolais blancs et noirs se câlinent.